13/03/2015

Chaud devant : Omnivore Paris 2015

Comment c'était, le festival 100 % jeune cuisine ? Pour cette 10e édition, sur scène, les chefs ont joué plus que jamais les rock stars ou les savants fous, avec des produits fleurant bon le terroir, le local et le responsable.

Comment vont les tatoué(e)s barbus de la jeune cuisine ? Pas mal, merci. Ironie de la sélection ou air du temps, ce cru anniversaire a produit beaucoup de jolis plats ancrés dans la tradition la plus pure. Mais aussi quelques Ocnis (voir plus bas) !

Coolitude anglo-saxonne

Giorgio Ravelli, disciple du slow-food italien, officie à Londres, et ça se voit. Il concocte un petit déj italo-brit-pop : des crumpets au beurre de cacahuètes, moelle de bœuf fumée, escargots, ail des ours et sa réduction de vin rouge un peu jelly. Mmmh... faut être en forme !

Mark Cohen, à Montréal, a adossé son restaurant à une boucherie dont il récupère les bas morceaux, et ça se sent. Fervent adepte du "nose-to-tail", rien ne se perd, tout se transforme !
Son Sussex pudding au blanc de bœuf, citron entier émincé et glace vanille sort tout droit de la cuisine de grand-mère. Plus digeste en portion individuelle ?

Suit un ragoût de peau de cochon et queue de veau aux palourdes, herbes et vinaigre de cidre "pour tuer un peu le gras"... On l'espère !

 
Simple et bon, sans prise de tête sur le dressage, c'est aussi la philosophie du restaurant Pinbone à Sydney. Mais avec plus d'idées. Voir ce tofu de cacahuètes un peu flan, ce lait de soja monté en mayo avec un anchois mixé, ou ce topping un peu crumble : parmesan, noix, noisette et beurre passé au gril sur un brocoli poêlé bien doré...

Garrett Oliver de la Brooklyn Brewery est venu avec des caisses de ses bières de derrière les fagots. Souvent des prototypes expérimentaux ! Depuis une bonne vingtaine d'années, les brasseurs artisanaux ont changé le visage de la bière ricaine. Ils sont plus de 3000 aujourd'hui !

Garrett s'inspire de toutes les recettes antiques européennes : ferments sauvages, refermentation en bouteille, vieillissement en fûts de chêne... Mon sang belge feels like home.
Résultat : des bières typées et fortement alcoolisées, ce qui explique qu'aucune photo n'a pu sortir de cette dégustation.

Mention spéciale à la Wild Horse au nez de cuir, de café et de cacao !
Très décomplexé dans le food pairing, il recommande la dégustation de telle brune avec une boule de glace vanille dedans, de sa kriek avec canard et foie gras, de son indian pale ale au nez de pomme avec un cheddar vieux ou un plat thaï. Divin ! Tous à Brooklyn, la brasserie se visite !
Ou à goûter à Montreuil ici 

Raffinement européen

Eh oui, le "vieux" continent bouge encore. Son terroir semble inépuisable. En tout cas comme source d'inspiration. Et les filiations se révèlent créatives, même entre pères et fils.

Les Autrichiens Philip et Helmut Rachinger annulent tout ce que j'ai pu (mé)dire de la nourriture autrichienne dans le post précédent. Avec eux, c'est stylé ! Des filets d'omble chevalier sont délicatement saisis pendant 7 minutes dans des boîtes en bois de cèdre portées à 130 °C. Rosés et nacrés, ils sont saupoudrés de sel infusé aux aiguilles de sapin. Quel parfum ! Le poisson est déposé sur un lit d'oxalis et servi avec un vinaigre de sureau. Wow !

 
Ensuite, un filet de poisson-chat local sera servi avec des câpres de baies de sureau vertes et mûres.

 
Suit une longe de porc de pays aux graines de berce (saveur de zeste de mandarine) et ses écrevisses américaines qui, comme chez nous, colonisent tous les cours d'eau au détriment des espèces locales. La solution des chefs : les manger, même si leur saveur ne vaut pas les originales...

Sébastien Bras, fils de Michel, nous a disséqué son miwam, un hybride entre la gaufre et le croque-monsieur. A la croisée de la célèbre gaufrette de pomme de terre servie au restaurant triple étoilé de Laguiole et des gâteaux japonais fourrés aux haricots rouges azuki.
Avec ses potes de l'école hôtelière, Sébastien a ouvert plusieurs cafés, dont le dernier au musée Soulages de Rodez. Mot d'ordre : diététique et gourmand.
 
La pâte du miwam est composée de céréales françaises : farine de blé complet, sarrasin et soja diluée à l'eau, sans œufs ni gras. La garniture change tous les jours : aujourd'hui, panais butternut noisette fourme d'Ambert ou morue radis noir olives noires. Tout est émincé pour cuire en direct dans le moule.
Ce moule ondulé en diagonale a été mis au point par le petit frère Bras, ingénieur aéronautique !

Alexandre Gauthier clôt le festival en montrant ce qu'il sert dans sa nouvelle adresse, l'Anecdote, toujours ancré dans les marais du Nord. Le concept : réinterpréter la cuisine de son père. Il envoie ainsi une simple truite au bleu. Mais raconte ses recherches pour son hommage à ce pays de corons : une pâte feuilletée où la farine est en partie remplacée par du charbon en poudre !

Salut les OCNIS (Objets Culinaires Non Identifiés)

Je finirai avec les électrons libres. Les deux compères de Dersou à Paris, passés par toutes les belles maisons, proposent une cuisine de barman avec des cocktails associés. Prix de l'Ouverture Omnivore. Ouverture de resto ou ouverture d'esprit ? Car les deux zigs excellent pour les deux !


Pendant que le barman sculpte au couteau japonais un unique glaçon comme du cristal, le chef laisse libre court à des déclinaisons asiatiques. Voilà un kimchi oxalis et jaune d'œuf congelé, shot de tequila betterave citron vinaigre de champagne et shrub noisette. Leur recherche : que le savoir culinaire n'élude pas la spontanéité et même l'imperfection. Un peu comme les céramiques japonaises de leur vaisselle. Bravo !

Venu d'Istanbul, Maksut Askar du restaurant Neolocal ambitionne de nous faire apprécier la vraie cuisine turque, celle des familles de toute l'Anatolie, simple, mais beaucoup plus élaborée qu'un kebab. Simple, mais très précise dans le sourcing des produits et le dressage.

 
Ce dzaki de yaourt maison triple au concombre, carotte, betterave cache un blé ancien en risotto et des cubes de menthe gélifiée, agrémenté de pois chiches et de gouttes de réduction de persil. Sur le dessus, une simple lamelle de courgette.Suivront un dolmat, un kiritz et surtout une morue séchée, poutargue en mayo, betteraves en pickles marinées dans le raki, tuile de pain grillé et pschitt de sirop de betterave. Appétissant !


Voilà, c'est fini pour cette fois les amis, merci à ceux qui m'ont lue jusqu'au bout sans indigestion ! Et si vous voulez ma perception d'Omnivore Paris 2014, c'est par ici (clic !).

Il y a aussi un bouquin, l'Omnivore food book, en bon français.

06/03/2015

Souvenirs d'ailleurs : Autriche, Alsace

Stube du musée d'Art populaire d'Innsbruck
 
L'Autriche, c'est plus joli en dehors de l'assiette ! De strudel en wurst, de choux en pommes de terre, on ne mange pas, on se leste l'estomac...


Heureusement, le décor des auberges traditionnelles et les ustensiles de cuisine anciens sauvent la mise et même, valent le détour.

 

Le stube, en Autriche, c'est la pièce à vivre où trône un gros poêle de masse, en maçonnerie, construit sur mesure dans la salle où règnent parfois de magnifiques lambris de bois.

Il faut absolument aller voir la dizaine de stubes de toutes les époques remontés au musée d'Art populaire d'Innsbruck que l'on découvre dans une pénombre bienvenue. D'autres objets culinaires démontrent un grand raffinement.

Moule du pays de l'oie 
 
Moules à beurre démontables
 
Crèche représentant la Cène 
 
Moules pour pains d'épice

En route, arrêtez-vous dans un winstub d'Alsace, littéralement la "pièce à vin" de nos jours le bar à vin, ou à bière ! Ci-dessous, deux spécialités que l'on peut y déguster :
les fleischnakas, hachis de pot-au-feu en rosace de pâte sur un bouillon et la torche, l'ancêtre du Mont-Blanc.
Eh bien non, ce n'est pas du tout lourd ni sucré ! Enfin en tout cas pas au winstub Le Cellier à Mulhouse, qui réserve en plus un chaleureux accueil.

Le Cellier 4, rue des Trois-Rois 68100 Mulhouse · 03 89 66 04 84